Mineurs isolés étrangers à Paris : le directeur du CASNAV estime faire tout son possible dans le cadre de l'Education nationale
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mardi 22 septembre 2015.
"Nous serons conviés à nous exprimer devant le Défenseur des droits", indique Alain Seksig à ToutEduc. Le responsable du CASNAV de Paris recevait hier Najat Vallaud-Belkacem et la presse pour présenter le dispositif de scolarisation des enfants de migrants et de réfugiés. Mais la politique du "centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs" en matière d'accueil des MIE (mineurs isolés étrangers) a été mise en cause par plusieurs associations et son directeur a tenu à nous présenter le travail effectué par le CASNAV.
Celui-ci, nous dit-il, a reçu l'an dernier (entre le 26 août 2014 et le 30 juin 2015) 1745 jeunes, dont 349 MIE. Sur les 1 396 qui ont été reçus avec leur famille, 1 339 ont été scolarisés dans le second degré à Paris, 11 dans le premier degré et 6 dans une autre académie. Pour les autres, les dossiers étaient incomplets ou les enfants ne se sont pas rendus dans l'établissement auquel ils étaient affectés.
"Personne n'y allait voir de trop près"
En ce qui concerne les MIE qui sont scolarisés dès lors qu'ils ont moins de 18 ans, Alain Seksig fait d'abord remarquer que les problèmes qu'ils posent sont relativement nouveaux. "Il y a une dizaine d'années, quand le centre en recevait une trentaine, personne n'y allait voir de trop près." Interrogé par ailleurs par ToutEduc, l'entourage de la ministre souligne que l'Education nationale a subi une certaine pression du ministère de l'Intérieur qui estimait qu'elle "scolarisait trop rapidement" des jeunes qui n'étaient pas nécessairement mineurs. Or s'il s'avère qu'ils sont en réalité des majeurs expulsables, les reconduites à la frontières deviennent difficiles quand les enseignants qui les ont eus en classe prennent leur parti. Par ailleurs, un ancien chef d'établissement nous rapporte le cas d'un "mineur" scolarisé en 5ème alors qu'il avait "manifestement une trentaine d'années", ce qui a créé des difficultés avec les parents d'élèves que cette présence inquiétait, et ce qui posait un problème juridique puisque ce supposé mineur n'avait aucun adulte qui réponde de lui, ni famille, ni référent désigné par l'ASE.
Alain Seksig souligne qu'en ce qui concerne les MIE, leur accueil dépend de la reconnaissance de leur minorité par la PAOMIE (permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers), un service que l'ASE (aide sociale à l'enfance) de Paris a confié à l'association France Terre d'asile. Sur les 349 MIE de l'an dernier, 256 (soit les trois quarts)ont été reconnus comme étant mineurs et donc aussitôt affectés dans des établissements du second degré, 42 ont été considérés comme des majeurs. Pour les 51 autres, 31 sont "inconnus" pour l'aide sociale à l'enfance et ils sont 20 à attendre une décision du juge des enfants, laquelle peut intervenir au bout de plusieurs mois. "Nous avons pourtant scolarisé une douzaine de ces jeunes" ("inconnus" ou en attente d'une décision de justice, ndlr) ajoute Alain Seksig qui évoque des "solutions bricolées" et l'usage des fonds sociaux pour que ces jeunes soient non seulement scolarisés, mais aussi nourris et hébergés dans une académie qui dispose de très peu de places d'internats. Il nous raconte aussi l'histoire d'un mineur qui, dans le cadre de la péréquation nationale, a été envoyé en Côte-d'Or, n'y a pas été scolarisé, est revenu à Paris, a été mis à l'abri par l'ASE et scolarisé par le CASNAV dans un établissement parisien, bien qu'il ait à présent plus de 18 ans.
"Un différend" et "énormément d'améliorations"
Interrogé par ToutEduc, Toufik Abdeli, représentant de l'ADJIE (Accompagnement et soutien des jeunes isolés étrangers, un collectif d'associations) estime qu' "il y a eu énormément d'améliorations", après "un différend" lors de l'arrivée d'Alain Seksig au CASNAV, au mois de février 2014. "La politique de l'ASE est très restrictive. Quand la PAOMIE estimait qu'un jeune n'était pas mineur, nous faisions appel et on finissait par avoir gain de cause devant le juge, mais au bout de plusieurs mois pendant lesquels le jeune était à la rue, et la proie des mafias. M. Seksig a pris sur lui de scolariser des jeunes dont le dossier était en cours, je considère qu'il a fait énormément d'efforts, mais j'admets que ce n'est pas une position unanime au sein de notre collectif."
Pour Alain Seksig, la plupart des associations tout comme les syndicats enseignants "ont relativisé leurs propos" à son encontre ; "ils se rendent compte de la complexité de la question et ils reconnaissent les efforts concrets que nous faisons". Il dénonce l'outrance d'un tract distribué au mois de juin qui l'accusait de "refuser de scolariser" des jeunes "rejetés par le système scolaire". Pour lui, l'Education nationale, qui doit travailler dans un cadre interministériel, "n'est pas outillée pour résoudre" tous les problèmes de ces jeunes, ce qui ne signifie évidemment pas qu'il souhaite qu'ils quittent le territoire. Il travaille d'ailleurs avec des associations à la mise en place, ce trimestre, de formations professionnelles pour ceux qui ne peuvent être scolarisés.
Sur les MIE à Paris, voir ToutEduc ici (Sévère rappel à l'ordre du Défenseur des droits pour le traitement des mineurs isolés étrangers (MIE) à Paris... et ailleurs), ici (Scolarisation des mineurs isolés étrangers à Paris : vers une saisine du Défenseur des droits ? exclusif) et ici ("Mineurs isolés étrangers : méthodes de dingues… ou de voyous ?" Journal du droit des jeunes). A noter que selon le Journal du droit des jeunes, le taux de scolarisation des MIE à Paris a "brutalement changé" à partir de janvier 2015, passant de "90%" à "un peu plus de 20%".