Les INSPE plaident pour une formation initiale “adaptée“ pour valoriser les langues et cultures régionales d'outre-mer
Paru dans Scolaire le vendredi 01 octobre 2021.
Malgré une politique volontariste en matière de promotion des langues et cultures régionales, le réseau des INSPE constate “une étroitesse voire une carence des viviers d’étudiants, le manque de formateurs (dans certaines langues kanak, entre autres) ou encore de berceaux de stage“. Les instituts supérieurs du professorat et de l'éducation souhaitent apporter un “éclairage spécifique sur les enjeux de l’enseignement des langues et cultures régionales en Outre-Mer“ car il estime que “former les enseignants et futurs enseignants à la pratique effective des langues vivantes régionales apparaît comme une nécessité“. Leur volonté serait d'apporter “des précisions sur les contextes sociolinguistiques de chaque territoire, sur l’enseignement des langues et cultures régionales“, pour présenter les formations proposées, “identifier les enjeux liés à la formation des enseignants“ et “formuler des propositions visant à élargir et renforcer les dispositifs de formation et de partenariats existants en faveur de l’enseignement des/en langues vivantes régionales en Outre-Mer“.
Pourquoi ces propositions ? “Une forte baisse de l’utilisation des langues polynésiennes chez les jeunes, qui leur préfèrent le français“, tout d'abord, d'où la question “des représentations collectives dont ces langues sont l’objet et de la manière de faire évoluer ces représentations de façon positive (en collaboration avec les instances académiques, universitaires, médiatiques et politiques) dans le but de susciter l’intérêt et l’envie de connaître et de faire vivre ces langues et cultures régionales, de l’école maternelle à l’université, et au-delà.“
A l’inverse cependant, les INSPÉ observent une forte demande des familles en Martinique, “témoignant de la spécificité de chaque territoire et de la nécessité de connaître et de prendre en compte ces spécificités dans la politique éducative ainsi que dans l’offre de formation à destination des enseignants“.
Pour les formateurs, les données sociales, socio-historiques ou issues de la recherche dans ce domaine, les différents contextes sociolinguistiques et culturels nécessitent des réponses appropriées et adaptées tant sur le plan pédagogique que didactique : “s’il ne s’agit pas de s’extraire d’un cadre national, il convient de dépasser le simple transfert d’un modèle exogène d’enseignement et de formation, pour une meilleure adéquation entre contextes et modèles de formation.“
S'ajouterait à cela, chez des étudiants en Master MEEF ainsi que des enseignants en poste en Outre-Mer, des niveaux “variables“ de connaissance des cultures et langues régionales du territoire, de la pédagogie et de la didactique associées. A La Réunion par exemple, en raison de l’absence de cours de langue créole, les futurs professeurs des écoles ne sont pas formés à proposer un enseignement de la langue créole et un enseignement bilingue créole-français. En Guadeloupe, certains étudiants ont étudié la discipline dans le secondaire, d’autres seraient titulaires d’une licence dans la matière, tandis que quelques-uns ne seraient pas créolophones du tout. En Nouvelle-Calédonie enfin, le problème est inverse “avec un manque de maîtrise de la langue française dans le cadre de l’exercice du métier d’enseignant en langue kanak, et où certains enseignants, non titulaires, en poste pour l’enseignement des langues kanak n’ont jamais reçu de formation professionnelle“.
Cela démontre, toujours selon le réseau des INSPÉ, le besoin spécifique à l’Outre-Mer d’une formation initiale et continue des enseignants qui soit adaptée, “voire ajustée“, avec pour objet majeur la sensibilisation et la valorisation des langues et cultures régionales, l’enseignement du français en contexte plurilingue, majoritairement créolophone, la prise en compte des élèves allophones ainsi qu'un enseignement des langues vivantes régionales (LVR) et bilingue LVR/français.
Si ils observent “certaines difficultés pour mettre en œuvre la formation ou la rendre pleinement efficace“, ils estiment que le lien avec la recherche en langues et cultures régionales “est crucial et (que) son développement se doit d’être soutenu et ancré institutionnellement“. Ils proposent des Unités d’Enseignement (UE) adaptées à ces contextes.
Les INSPÉ d’Outre-Mer réaffirment ainsi l’intérêt et la nécessité d’une formation contextualisée et adaptée pour les futurs enseignants, tenant compte de la spécificité de chaque territoire. Ils voient la prise en compte des dimensions linguistiques, sociales, culturelles, historiques comme “incontournable“ pour la réussite de tous les élèves.
Même si la langue française est affirmée comme langue de scolarisation, il est pour les formateurs “indispensable, d’une part, d’octroyer aux langues maternelles une place prépondérante en faveur de la reconnaissance de l’identité de chacun et chacune et de la construction de l’estime de soi, et d’autre part de considérer ces langues maternelles comme socle incontournable sur lequel s’appuiera la construction des compétences de maîtrise de la langue française de chacun de ces citoyens en devenir.“
Parmi ses 10 propositions, le réseau des INSPÉ préconise de “former les étudiants et les enseignants des espaces concernés à la pratique et à l’enseignement des langues et cultures régionales afin de répondre efficacement aux situations de contacts de langues, de plurilinguisme et d’interculturalité rencontrés dans les classes“ ou encore de “créer un observatoire des gestes professionnels et des pratiques pédagogiques et didactiques adaptés au plurilinguisme et à l’interculturalité sur chaque territoire (qui participera par exemple à une réflexion sur la contextualisation des supports pédagogiques et des évaluations des élèves)“.
Le réseau des INSPE indique vouloir s'impliquer pour le déploiement d’un “plan d’action national pluriannuel“ piloté par les différents ministères concernés (Recherche, Education et Outremer).
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