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A quelles conditions les politiques publiques doivent-elles être évaluées ? (revue de l'AFAE)

Paru dans Scolaire le mardi 20 juin 2023.

Malgré l’existence de diverses sources d’évaluation des politiques publiques éducatives, la DEPP, l'inspection générale, le Conseil d’évaluation de l’École, "la France ne semble pas suffisamment disposer d’une fonction globale d’évaluation apte à éclairer les enjeux d’efficacité, d’équité et d’efficience du système éducatif", constate Yannick Tenne dans l'éditorial du dernier numéro de la revue de l'AFAE.

L'inspecteur général ajoute que, "rattachés au ministère de l’Éducation, ces organismes semblent frappés d’un soupçon de parti pris susceptible d’entacher leurs analyses", mais que France Stratégie, la Cour des comptes, les missions parlementaires ou l’OCDE avec PISA "n’arrivent pas plus à bâtir une relation constructive entre évaluations et actions publiques. Si le choc PISA a eu un effet important en Allemagne, si l’évaluation du système éducatif a permis à l’Écosse ou au Portugal une autre trajectoire de leur politique éducative, la France semble réitérer un diagnostic des résultats de son École sans arriver à promouvoir un changement accepté, partagé et efficient."

Régis Malet (U de Bordeaux) estime que les évaluations portent en elles un système de valeurs. Il prend l'exemple de PISA : "La très forte centration sur l’individu et sur le développement de son capital d’éducabilité, oriente le propos de l’investissement en éducation dans une conception capitaliste‐libérale interindividuelle et internationale (...). Le champ d’application de ce paradigme éducatif capitaliste puissant rayonne bien au‐delà de la sphère éducative et formative, pour dessiner une conception tacite de la qualité, de la réussite et de la réalisation professionnelles et personnelles. De cela, on peut conclure provisoirement que l’approche dominante de l’évaluation de l’offre d’éducation est désormais une approche à la fois individualisante, compétitive et adaptative, et faiblement sociétale, que ce soit dans son inspiration ou dans son horizon."

Faut-il d'ailleurs tout évaluer ? Emmanuel Constant, principal de collège et vice-président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis où il a été en charge de la politique d’éducation artistique et culturelle, n'a "pas beaucoup insisté pour développer des outils d’évaluation". Il est convaincu "que les effets de l’art et de la culture sur la construction des personnalités sont inévaluables, qu’ils sont visibles à long terme ou jamais, qu’une année passée à aller au théâtre avec son professeur de classe de 4e peut déterminer des pratiques, une vie, des habitudes dix, quinze ou vingt ans après." Il revendique la possibilité d'inscrire dans les politiques publiques "l’acte gratuit, celui que l’on sait utile sans avoir à le justifier".

La position de Béatrice Gille, ancienne rectrice, présidente du Conseil d'évaluation de l'école, est, nécessairement différente, mais s'inscrit également dans le temps long. Les effets de l'évaluation systématique des établissements ne se révéleront "que très progressivement, le temps que les acteurs s’en approprient pleinement le sens et l’intérêt". Autre condition, "rassurer (pas de cheval de Troie, pas d’intention cachée), expliquer, expliciter, faire confiance, aux élèves (...), aux parents (...) et aux cadres (...), aux établissements". Encore faut-il "que le portage politique soit clairement présent" et que les politiques publiques soient "articulées à des démarches d’évaluation ex ante, in itinere, ex post".

Quoi qu'il en soit, comme le fait remarquer Jean-Charles Ringard, depuis la circulaire Rocard, le devoir d'évaluation des politiques publiques s'impose : "Il ne peut y avoir ni autonomie sans responsabilité, ni responsabilité sans évaluation, ni évaluation sans conséquence." Mais il convient de "mieux expliciter le sens de l’évaluation des politiques éducatives portées par les décideurs, quels qu’ils soient et à quelque niveau qu’ils soient (national, territorial, local)" car pour "lever des a priori", chacun doit savoir pourquoi et pour quoi faire, ces évaluations sont conduites. L'inspecteur général n'est pas opposé aux évaluations standardisées, "à condition qu’il y ait aussi compréhension et appropriation des résultats par les acteurs, en priorité les enseignants" (une formule qui semble viser les évaluations de CP, CE1, 6ème, 2nde, ndlr), mais il propose de développer "des évaluations participatives" et de "démocratiser l’évaluation". Il ajoute : "Faire confiance et avoir confiance, notamment en soi et dans les autres, est une condition sine qua non pour libérer les compétences de chacun et de tous, au service de l’amélioration du système éducatif."

L'évaluation des politiques publiques, revue de l'AFAE (Revue trimestrielle de l’Association française des acteurs de l’éducation), n° 178, 21€

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