SNU : La version scolaire se met en place, mais le dispositif est toujours aussi décrié (reportage)
Paru dans Scolaire le vendredi 29 septembre 2023.
SNU, saison 5. Prisca Thévenot, nommée cet été au poste de secrétaire d'Etat chargée de la jeunesse et du SNU, reprend le flambeau de la promotion du Service national universel, dispositif voulu par le chef de l'Etat mais qui peine à trouver son public depuis sa mise en place en 2019, le nombre de volontaires étant chaque année en deçà des objectifs fixés par le gouvernement (voir ToutEduc ici et ici).
Alors, pour élargir la base, le recrutement des jeunes passera désormais par l'école à travers le label “classes et lycées engagés“, un dispositif destiné aux 2ndes et 1ères années de CAP encore en phase d'appels à projet, comme au Lycée Michelet de Vanves que Prisca Thévenot visitait jeudi 28 septembre.
Bien qu'il préexistait indépendamment, le projet de l'établissement, qui s'est donc porté “volontaire“ à la réception du label et par cette occasion à la participation au SNU, est mené par quatre professeur.e.s autour de trois classes de seconde, soit une centaine d'élèves. Intitulé “nuage et forêt“, il mêle à la fois Education Artistique et Culturelle (EAC) et protection de l'environnement, en s'articulant autour de productions et de temps forts pour les élèves, comme la réception de scientifiques ou de l'auteur Mathieu Simonet, spécialisé dans la protection des nuages.
Le “concret“, c'est d'ailleurs la porte d'entrée de la secrétaire d'Etat dans son discours aux jeunes rencontrés ce jour-là, l'idée étant de “mettre en pratique“ sur le terrain les apprentissages pédagogiques travaillés pendant l'année “avec des associations locales engagées, et qui vont vous expliquer ce qu'elles font au quotidien“. Il s'agit donc pour ces élèves de profiter d'un “temps qui est offert par votre pays“ autour d'un “sujet très fort de votre génération“, poursuit-elle, la lutte contre le réchauffement climatique et la défense de la biodiversité et du climat.
L'enjeu, répond-elle à cette enseignante qui demande s'il faudra signer un Pacte enseignant pour continuer à mener de tels projets par la suite, parce que “c'est ça“ qui l'intéresse, “ce n'est pas de normer", mais d'avoir des cadres et des structures dans lesquels libre à chacun de s'insérer, dans une logique “de pouvoir plus généralement déployer le dispositif, là ou d'autres pourraient aussi vouloir l'expérimenter“.
Passé cette présentation, il est surtout question de la représentation du SNU, que beaucoup d'adolescents de la classe visitée connaissent de nom, même si peu (hormis une fille l'ayant réalisé et apprécié) semblent savoir de quoi il en retourne. “Moi je savais pas vraiment ce que c'était, pour moi c'est une colo et l'armée, vraiment les deux“, dira ainsi une élève, ce que récuse Prisca Thévenot, faisant valoir une “caricature“ liée en partie au “débat médiatique“ qui omettrait les enjeux réels de ce dispositif, notamment de permettre aux jeunes d'exprimer leur “soif d'engagement“.
“Les jeunes n'ont pas besoin du SNU pour trouver une passerelle vers milieu associatif“. Présent lors de ce déplacement, Aurélien Saintoul a tenu à faire savoir aux élèves “que l'on peut ne pas être d'accord avec le SNU“, conduisant le proviseur à rappeler que ce dernier reste, même dans le cadre d'une classe engagée, accessible sur la base d'un volontariat individuel. Si la secrétaire d'Etat rappelle la volonté de généraliser le dispositif, ce qui le conduira à passer par un “débat sain“ au Parlement, un “débat de société“, le député LFI estime de son côté qu'il s'agit plutôt “d'une façon de noyer le poisson“ au regard d'une certaine “lubie du président“. Car le problème du SNU version scolaire, explique-t-il à ToutEduc, c'est qu'il imbrique de nombreux objectifs, parfois déjà ou pouvant mieux être remplis par l'école, comme la mixité sociale, l'éducation civique avec l'EMC.. et qu'il soulève de nombreuses questions, celle des jeunes qui ne voudront ou ne pourront participer, le bénéfice acquis sur Parcoursup ou encore les différences territoriales potentielles en termes de qualité de l'encadrement.
“On oublie ce que fait l'école si on lui en donne les moyens“, abonde d'ailleurs Sophie Vénétitay, du SNES-FSU, pour qui “croire que c'est en 12 jours (la durée du stage de cohésion, ndlr) qu'on va créer une conscience citoyenne, c'est se leurrer“. La secrétaire générale du syndicat FSU des enseignants du second degré déplore surtout que des heures de cours soient enlevées aux élèves, et indique à ToutEduc avoir recommandé “de ne pas s'engager dans ce type de projet“, étant en désaccord avec le fond même de ce que représente le SNU. Si peu de retours ont pour le moment été recensés, elle note qu'une pression “est en train de monter“, avec des messages envoyés à des professeurs principaux pour qu'ils fassent participer leur classe.
Face à son objectif de “montée en puissance“ du SNU, Prisca Thévenot avance un dernier argument aux élèves, la rareté du SNU. Cette année, 17 000 personnes auraient été placées sur liste d'attente pour y participer, et même avec les 80 000 places qui seront disponibles en 2024 (prévu dans le PLF, voir ici), “malheureusement il y a des jeunes à qui l'on devra dire non parce qu'on va dépasser les objectifs“, croit-elle déjà savoir. Un optimisme déjà entrevu par le passé.