Ecole inclusive : l'article 53 du PLF 2024 suscite de nombreux doutes chez les associations et les MDPH
Paru dans Scolaire le vendredi 03 novembre 2023.
Présentée à l'article 53 du projet de loi de finances 2024 actuellement en débat à l'Assemblée nationale, la création des pôles d’appui à la scolarité (PAS), mesure issue du Conseil National du Handicap devant faire advenir l'acte 2 de l'école inclusive, suscite de nombreuses interrogations. Une offre incomplète en personnels (type AESH) et les moyens importants nécessaires pourraient-ils engendrer un amoindrissement de l'aide apportée aux enfants porteurs de handicap ?
Pour le collectif Handicaps, qui rassemble 52 associations, le texte “pose plus de questions qu’il n’en résout“, d'autant que sa rédaction “fait craindre un recul des droits des enfants en situation de handicap et une remise en cause des principes de la loi du 11 février 2005“. Il estime que l’article 53 “reste trop flou sur les missions attribuées à l’Education Nationale et celles relevant de la MDPH“ alors que se joue “l’indispensable distinction entre accessibilité et compensation“. En effet, chacune des institutions “doit avoir son rôle, son expertise et sa responsabilité“ mais “aucune ne doit se défausser ou empiéter sur l’autre“, poursuit-il : à l’Education Nationale de “mettre en œuvre tous les moyens possibles pour rendre l’école accessible“, tandis que la MDPH “doit rester souveraine sur les décisions de compensation individuelle“.
Le collectif regrette dans le texte le manque de moyens supplémentaires, mais aussi que les familles ne soient pas intégrées à la mise en œuvre de la scolarisation des enfants porteurs de handicap(s), ajoutant au risque “que l’Education Nationale, juge et partie, fixe en fonction de ses ressources - et non en fonction des besoins - l’accompagnement auxquels ils auront droit“.
“Je comprends la réaction des associations“. Interrogé par ToutEduc, Jean Dutoya, président de l'association des directeurs de MDPH, structures en charge d'apprécier les besoins individuels d'aide humaine, matérielle et financière des enfants en situation de handicap, s'inquiète également d'un article 53 qui “apparaît fragile“ et “peut créer plus de confusion que de progrès réels“, notamment les commissions mixtes qui traiteraient les cas de recours.
Il estime nécessaire de maintenir l'évaluation individuelle des besoins par les 102 maisons départementales des personnes handicapées de France comme gage de “neutralité et d'indépendance“ pour la réponse formulée aux familles. “Les PAS sont présentés comme une façon de répondre plus rapidement aux familles. Nous sommes tous d'accord sur cet objectif, mais pour cela il serait plus efficient de créer quelques dizaines de postes en particulier dans les 20 MDPH qui ne sont pas accompagnées sur cet objectif de délais, plutôt que de créer plusieurs centaines de postes avec les PAS“ (3 sont prévus par pôle).
L'association des MPDH propose de donner plus de souplesse à l'Education Nationale dans l'organisation territoriale des AESH, indique-t-il, par exemple quand il y aurait deux AESH dans une même classe, tout en prévoyant des garde-fous. L'ADMDPH a entre autres proposé un système de suivi via des indicateurs remontés des PIAL sur le nombre d'AESH par élèves en situation de handicap, la répartition entre AESH individuel et mutualisé, avec les quotités horaires... Car “sans prêter de mauvaises intentions, il existe un risque que le système soit dévoyé“, or la MDPH ne se prononce pas en fonction du nombre d'AESH disponibles mais “en fonction du besoin de l'enfant“. De plus, explique-t-il enfin, “l'Education nationale ne répondra pas aux familles sur la partie ‘allocation financière‘ (AEEH ou PCH) ni sur les orientations en ESMS, ce qui amènera les familles à devoir s'adresser aux MDPH. De tels changements mériteraient d'être expérimentés localement avant d'être déployés.“
L'article 53 (du projet de loi de finances 2024) ici