A l'assemblée nationale, les principaux responsables de la mission “Exigence des savoirs“ sur une ligne de crête
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 20 décembre 2023.
“On ne va pas imposer NEO à tous les écoliers de France ou de Navarre“ déclare le recteur de l’académie d’Orléans-Tours lors de l'audition des responsables de la mission “Exigence des savoirs“ par la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale mercredi 20 décembre.
Le manuel de lecture a pourtant été évoqué a plusieurs reprises par Gabriel Attal, notamment dans son discours du 5 décembre énumérant les propositions retenues dans son programme “choc des savoirs“ destiné à relever le niveau des élèves français (voir ToutEduc ici).
La question des manuels a ainsi été l'un des sujets centraux cette audition, pour laquelle Gilles Halbout a évoqué deux initiatives prises lors de son passage à Mayotte et désormais étendues à tout le pays, une volonté d'équiper des classes trop peu dotées et une efficacité flash sur les résultats des élèves : en 2 ans l'île serait passée d'une moitié des élèves arrivant à lire en CE1, à maintenant deux tiers.
Ce besoin d' “efficacité“ a d'ailleurs été plusieurs fois cité par Stanislas Dehaene, président du conseil scientifique de l'éducation nationale (CSEN), qui a pourtant semblé prendre ses distances avec plusieurs des choix opérés par le politique : “le manuel est trop récent pour qu'on ait du recul du point de vue statistique“, a-t-il estimé, mettant même en exergue par ailleurs la liberté pédagogique des enseignants, tout en les enjoignant à suivre les données de la recherche scientifique et donc d'utiliser les méthodes qui sont à recommander. D'où l'idée de labelliser les manuels, d'autant qu'une enquête montrerait une corrélation entre l'utilisation de certains manuels et la réussite des élèves, le tout faisant partie d'un “écosystème“ entre programmes “qui vont préciser avec une échelle plus fine que celle de l'année ce qui doit être fait“, et basé sur les évaluations nationales et "des petits tests pour vérifier ce que font les élèves“.
En revanche, il a estimé que le mission n'avait eu que trop peu de temps pour réaliser son expertise, que le redoublement fait grandement débat au sein du CSEN, dont une partie des membres serait “assez opposée“ du fait que “les conséquences pour les élèves qui le subissent ne sont pas forcément positives du tout“. Il a également souligné l'importance de la répartition du temps scolaire, non abordée par la mission, considérant “que les maires qui continuent d'ouvrir l'école contre vents et marées sur 5 jours doivent être soutenus“.
Le questionnaire adressé aux enseignants pour les sonder sur un certain nombre de mesures, n'est “pas biaisé“ selon les mots d'Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, il montrerait ainsi qu'un “très grand nombre de professeurs pensent la même chose“ sur plusieurs sujets (mais pas sur d'autres), de quoi en faire “une base parmi d'autres“. Surtout, les mesures qui sont proposées “par nature se discutent“, se défend-il, et “aucun de ces leviers n'a vocation à être mécanique et définitif“ précise-t-il. Par exemple, le redoublement vise “par cercles concentriques à rendre possible la personnalisation des parcours“, il s'agit de “lisser son parcours“ c'est à dire d'assurer pour les élèves “une progressivité des apprentissages beaucoup plus forte qu'aujourd'hui“. De même pour les groupes de niveau (qui selon Stanislas Dehaene auraient mieux fait d'être nommés “groupes de besoin“), il ne s'agit pas que les élèves en difficulté apprennent moins, mais d'un “changement des conditions d'apprentissage“, à savoir de “mieux apprendre la même chose“.
Pour y arriver, il convient donc de réviser les programmes, ce qu'a évoqué la cheffe de l’inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Les programmes doivent être “écrits non plus par rapport à ce que les professeurs doivent faire mais ce que les élèves doivent savoir“, plaide Caroline Pascal, qui souhaite renverser la logique et la philosophie d'écriture consistant à “se faire plaisir avec tout ce que les professeurs aimeraient enseigner“. Ceux-ci devront être rédigés très rapidement mais “c'est presque un point positif“, veut-elle croire, promettant alors simplicité, clareté et efficacité.
Elle fait d'ailleurs valoir qu'à force de réécriture depuis 2008, l'absence de priorité devenait plus en plus nette, des éléments étaient sans cesse ajoutés, tandis qu'aujourd'hui le but serait de clarifier et de rendre les programmes moins lourds, en réintroduisant des repères annuels en école et collège avec une “clause de revoyure“ des notions en fin de cycles.
Cette modification bénéficiera à la formation des enseignants qui l'objet d' “énormes besoins dans le pays“, pour Stanilas Dehaene qui considère a titre personnel “qu'elle deviendra de plus en plus facile à mesure qu'on s'accordera sur des programmes bien ciblés, raccourcis en s'appuyant sur manuels et méthodes qui fonctionnent, ainsi on saura mieux à quoi former“.
“Il faut faire attention à la personne de chaque élève“. A noter le souhait porté par Stanislas Dehaene concernant les élèves porteurs de handicap pour qui “il est souvent recommandé de redoubler alors qu'intellectuellement ils pourraient passer en disposant de dispositifs adaptés“. Quant aux enfants avec dyspraxie qui sont assez nombreux, “ils risquent d'être bloqués dans leur scolarité si on insiste sur le stylo en français“, c'est pourquoi il demande d'être plus “flexible dans ce domaine“ (notamment en permettant l'utilisation de claviers numériques lorsque cela est possible).
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