Pourquoi devient-on travailleur social ? (séminaire de l'Ecole nationale de la PJJ)
Paru dans Périscolaire, Justice le jeudi 25 janvier 2024.
Les travailleurs sociaux, les éducateurs, ont-ils un profil particulier ? Comme pour bien d'autres métiers de l'humain, une crise de recrutement se double d'une augmentation du nombre des démissions. Si on connaissait mieux les raisons qui les ont poussés à choisir cette profession, on comprendrait sans doute mieux leurs motifs de satisfaction et d'insatisfaction... Ce sont toutes ces raisons qui ont poussé Mael Virat, chercheur en psychologie à l’ENPJJ, à organiser le séminaire annuel de l'Ecole nationale de la Protection judiciaire de la Jeunesse autour de ces thèmes.
ToutEduc : Ces interrogations sur les motivations des travailleurs sociaux sont-elles propres aux éducateurs de la PJJ ?
Mael Virat : Non. Le séminaire est conçu pour examiner les divers profils de tous les travailleurs sociaux, il n'existe pas de travaux de recherche spécifiques aux motivations des personnels de la PJJ. Si la littérature internationale est très pauvre sur des secteurs spécifiques du travail social, elle est par contre plus large sur le choix du travail social en général et j'ai trouvé, dans des revues scientifiques internationales, une cinquantaine d'études menées aux États-unis, en Europe, au Canada... Le sujet est moins connu en France, et l'École de la PJJ est très intéressée par tout ce qui peut l'éclairer sur le profil des jeunes et des moins jeunes qu'elle forme.
ToutEduc : En quoi, à votre avis, la vocation des futurs travailleurs sociaux est-elle différente de celle des enseignants et des médecins ?
Mael Virat : Beaucoup d'enseignants ou de médecins ont su dès l'enfance ou l'adolescence qu'ils voulaient faire ce métier. Ce n’est pas autant le cas des travailleurs sociaux pour qui le choix d'une telle profession intervient parfois assez tard, après le bac... Ils ont souvent eu des expériences de vie difficile.
ToutEduc : Que disent les étudiants en travail social de leurs motivations ?
Mael Virat : Quand on les interroge sur leurs motivations, ils disent qu' "ils ont envie d'aider", mais c'est une formule attendue. Pourquoi ont-ils envie d'aider ? Et aider qui ? Ont-ils envie de se réparer eux-mêmes en réparant les autres ? Ce sont ces questions que nous allons travailler durant ce séminaire.
ToutEduc : Se réparer de traumatismes subis dans l'enfance ?
Mael Virat : Peut-être... Mais l'effet est parfois à l'inverse, on parle alors de "traumatisme secondaire", accompagner la souffrance des autres peut raviver ses propres souffrances. Steve Geoffrion, qui interviendra à distance de Montréal, a beaucoup travaillé sur ce sujet avec les personnels de la protection de l'enfance, mais nous limitons volontairement le champ du séminaire à ce qui se passe en amont de l'entrée dans le métier. Cela dit, on voit des jeunes en formation qui sont déjà à la limite du burn out et qui disent qu'ils ne feront pas ce métier toute leur vie.
ToutEduc : Avez-vous le sentiment d'une évolution, ou de caractéristiques permanentes, propres à ces métiers ?
Mael Virat : Difficile à dire, il y a peu de données sur le sujet, mais les motivations d'ordre matériel, sur les conditions de travail et les salaires, sont peut-être plus prégnantes aujourd'hui qu'hier. Un de nos intervenants présentera justement ses travaux sur une possible évolution des motivations au cours des deux dernières décennies.
Sont prévues lors de ce séminaire les interventions,
le 20 février, de Bertrand Ravon (Lyon 2) et de Mael Virat (ENPJJ et U. de Lille
le 19 mars, d'Yvette Molina (CNRS- ENS- EHESS- INRAE)
le 14 mai, de Steve Geoffrion (U. de Montréal)
le 28 mai, de Ruggiero Iori (Cergy Paris Université
le 18 juin, d'Yves Couturier (U. de Sherbrooke) et de Louise Belzile (Université de Sherbrooke également)
Le site de l'ENPJJ ici