La lettre n°6
Paru dans La lettre le jeudi 02 avril 2009.
Réforme, innovation: la grande confusion
Pierre Frackowiak, l'homme qui a humilié Gilles de Robien, pose une bonne question sur notre site: que restera-t-il des réformes Darcos? Il est bien placé pour le savoir puisque, inspecteur chargé des écoles primaires d'une circonscription du Nord, il avait refusé l'oukase sur la lecture syllabique. Le ministre, furieux, l'avait sanctionné, avant de reculer, piteusement. Son successeur s'était empressé de déclarer nulle et non avenue la condamnation des méthodes dites globales. C'était reculer pour mieux sauter. Xavier Darcos a repris en main la hiérarchie intermédiaire, et il a imposé un train de mesures tel que la question de la lecture n'est plus qu'un détail. Mais leur durée de vie excédera-t-elle celle du ministre?
Poser la question, c'est en poser une autre. A quelles conditions une réforme est-elle possible? Depuis 1975, date de la "réforme Haby", combien de réformes? Au moins autant que de ministres! Combien ont été rayées d'un trait de plume, ou tellement vidées de leur contenu qu'elles ont perdu leur sens? Toutes! Même le bac professionnel, créé par Chevènement, est en cours de dénaturation. C'est pourtant celle qui avait le mieux résisté aux alternances. Aucune réforme durable de l'Education ne pourra venir de l'Education, ni même d'un Premier ministre, ou d'un président. Elle doit venir de la société française tout entière, convoquée sous des formes qui restent à déterminer.
Cette erreur de Darcos, il est curieux de la voir reproduite à une autre échelle par François Jarraud, l'animateur du Café pédagogique (le site d'information des enseignants qui ne se contentent pas de la bonne parole), à propos de l'innovation éducativo-pédagogique. Quels sont les faits? Existait, depuis 10 ans, un prix de l'innovation éducative fondé par Roger Fauroux et soutenu par la Ligue de l'enseignement. L'année dernière, le Café pédagogique lance le "Forum des enseignants innovants". Cette année, les deux prix sont confondus dans le même appel d'offre, décernés au cours de la même manifestation, à Roubaix, et présidés par le même homme, Philippe Meirieu. Résultat: les projets innovants proposés aux deux jurys sont tous à l'initiative d'enseignants. Certains ont bien une dimension partenariale, et vont chercher les ingénieurs d'une grande école, ou l'ensemble des institutions culturelles et des parents d'une zone géographique plus large que leur ZEP. Mais aucun n'a été lancé par une commune, ou par les personnels non-enseignants d'un établissement. Un seul par une association. Rien sur la restauration scolaire. Rien sur les rythmes de l'enfant. Rien sur le handicap. Presque rien sur la lecture hors l'école, presque rien sur l'intergénérationnel. C'était magnifique, de rencontrer tous ces hommes et ces femmes qu'anime la passion de faire réussir leurs élèves. Mais c'était une défaite de la pensée.
Enseignants innovants: "On est fous, mais on est nombreux"
C'est ainsi que des adversaires résolus de la politique actuelle se situent dans la même perspective que Darcos, ancien doyen de l'inspection générale. Comme lui, hommes de l'institution, ils raisonnent à l'intérieur du système, et ils ont les mêmes œillères. ToutEduc, à sa façon, tente de briser cet enfermement. Sauver la maternelle sans les puericultrices, représentante des enseignant(e)s de maternelle, dans un livre (préfacé par Philippe Meirieu), cette école, ô combien importante, ne sera pas sauvée sans une réflexion commune avec les personnels des crèches. L'innovation pédagogique restera un ghetto sans le périscolaire, et sans les collectivités territoriales. ToutEduc sera un jour, espérons-le, un immense média, capable de mobiliser toute la société française, voire européenne, s'interrogeant sur sa jeunesse. En attendant, nous cherchons à rassembler l'ensemble des professionnels et des militants de l'éducation, personnels enseignants et non-enseignants des établissements scolaires, personnels de la petite enfance, les associations périscolaires, éducateurs , parents d'élèves, et tous ceux qui favorisent l'accès des enfants à la culture ou qui participent à leur orientation scolaire et professionnelle. C'est un premier pas.
Un nouveau forum, de plus en plus de questions
C'est dans cet esprit d'élargissement et de rassemblement que Quelles alternatives à l'emprisonnement des mineurs?: en vous demandant quelles réponses autres que la prison peuvent être apportées aux plus graves des crimes et délits, quand leurs auteurs sont encore des enfants, nous estimons que chaque membre de la communauté éducative, au sens large, peut avoir son mot à dire, une expérience à raconter, une solution à proposer. N'hésitez pas à nous faire part de votre réflexion, quelle que soit « l'éducation » à laquelle vous prenez part: nationale, surveillée, complémentaire, populaire, parentale, culturelle...
N'hésitez pas non plus à vous emparer des questions, de plus en plus nombreuses, posées directement sur le site, et à entrer en dialogue avec leurs auteurs. ToutEduc peut apporter ses réponses, mais ne pourra jamais faire mieux que vous, qui êtes confrontés à la difficulté évoquée, ou l'avez résolue. Comment convaincre ses parents de choisir le CNED? Quelles astuces pour éviter l'achat d'un tableau blanc informatique? La formation tout au long de la vie est-elle un plus dans un CV? Autant de questions qui attendent vos réponses, amateures ou expertes.
Vos réactions à l'actualité
Nous attendons vos réponses, mais aussi vos réactions. Des collèges éclatés?, que nous avons entendu évoquer sur France Culture la possibilité de répartir tous les élèves Meaux entre les 4 collèges de la ville, tous les 6ème dans l'un, les 5ème dans un autre, etc. Vous avez peut-être votre mot à dire sur cette manière d'envisager la mixité sociale... La journée de la jupe: fantasme ou excès de réalisme?, ce film – cathartique et salutaire pour les uns, invraisemblable et racoleur pour les autres – où Isabelle Adjani joue le rôle d'une prof de français prenant sa classe en otage. Les IUFM enterrés par une prépa privée a le droit d'annoncer la disparition des IUFM pour augmenter son nombre d'étudiants, et Quelle consultation voulons-nous pour la réforme des lycées? pour une consultation sur la réforme du lycée.
Les chiffres du mois
3 200 visiteurs différents (1 500 en février), 20 000 pages lues, 115 000 "hits" (dont 1 700 au Canada)
Les pages les plus souvent ouvertes, après le flux RSS et la page d'accueil, sont la page "actualité", puis "vu/lu/entendu", puis les questions-réponses.
Les sites à partir desquels on vient sur ToutEduc sont, hors moteurs de recherche, ceux de l'INRP, d'Educpros (L'Etudiant), d'Actualitte, de Ressources Jeunesse (INJEP) et de Cap-Concours (un site de la Maif)
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