Harcèlement à l'école: un documentaire donne la parole aux victimes
Paru dans Scolaire le mercredi 09 octobre 2013.
Le documentaire "Harcèlement à l’école" donne la parole aux victimes et raconte la difficulté de l’institution scolaire, qui commence tout juste à le reconnaître, à traiter ce phénomène qui touche, selon le ministère, 1 400 000 élèves chaque année. Réalisé par Amandine Stelletta et Nicolas Bourgouin, il sera diffusé sur France 5, le mardi 29 octobre à 20h40. Et suivi par un entretien avec Eric Debarbieux, délégué ministériel en charge de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, et Bertrand Gardette, conseiller d’éducation en lycée professionnel et auteurs d'ouvrages sur le sujet.
Amandine Stelletta, la co-réalisatrice du film, cible de ce genre d’agissements lorsqu’elle était scolarisée au collège, souhaite susciter une réelle "prise de conscience de la souffrance des enfants et des conséquences dramatiques du harcèlement". Elle admet toutefois que "les choses sont en train de changer mais pas complètement. Tout le monde ne reconnaît pas ce phénomène. Il est nécessaire à mon sens de médiatiser ce combat et de mener des campagnes de sensibilisation en permanence."
Le harcèlement permanent
Le documentaire débute par le témoignage de Marie, quinze ans, collégienne de troisième, et victime de harcèlement depuis la classe de cinquième. Les insultes se sont transformés en menaces physiques. Déscolarisée par ses parents pendant plusieurs semaines à la demande de son médecin, elle continue d’être insultée sur Facebook. "Avant, le harcèlement c’était dans les murs de l’école. Maintenant, vous rentrez à la maison, cela continue sur les réseaux sociaux. C’est permanent. Et cela est nouveau", souligne Hélène Romano, docteur en psychopathologie au CHU Henri Mondor de Créteil.
"Le harcèlement doit se définir aussi par ses conséquences. Premièrement, le décrochage scolaire, y compris l’absentéisme", analyse Eric Debarbieux. "20 à 25% d’enfants absents chroniques qui ne vont plus à l’école, n’y vont plus à cause du harcèlement ", poursuit-il. Eric Debarbieux évoque également "la perte d’estime de soi à long terme et la dépression. Un enfant harcelé et dépressif fera 30 ans après un adulte harcelé et dépressif"; il met en garde contre les "risques de suicides".
Pauline, 12 ans, est passé à l'acte. Elle a mis fin à ses jours avec un fusil de chasse en janvier 2012 de peur d’affronter une nouvelle rentrée. Ses parents ont porté plainte contre l’établissement. Aujourd’hui, "à chaque fois, on nous met en doute", s’indigne la mère de Pauline qui s’entend rétorquer par le collège que sa fille s’est suicidée pour des problèmes familiaux. "Il y a un problème de l’identification légale de ce qu’est le harcèlement. Comme il apparaît comme une succession de petites choses, aller le prouver n’est pas simple ", commente Eric Debarbieux.
Prendre en compte la parole de l'enfant
Le collège Pierre Mendès France à Paris a obtenu du rectorat le label "pas de harcèlement dans mon école". "Nous devons trouver des réponses et punir ceux qui se livrent à ce genre de pratiques délictueuses ", affirme Patrice Coupry, le principal de l’établissement. "Tout est une question de climat de confiance. Il faut que les élèves sachent qu’ils peuvent s’adresser à des adultes qui vont trouver des réponses." Le principal a fait suivre à ses équipes les formations organisées par le ministère pour qu’ils puissent faire face à ce problème.
Les premières Assises sur le harcèlement se sont tenues en 2011. "La France a quarante ans de retard sur les pays scandinaves qui sensibilisent dès le plus jeune âge au vivre ensemble, à l’empathie, à ce qui peut faire mal à l’autre. En France, on considère que la frontière est grande entre lire, écrire, compter et le savoir-vivre qui est considéré comme relevant du domaine parental", estime Amandine Stelletta. Pour elle, le problème "va au-delà de l’Education nationale. Il concerne les institutions médicales, judiciaires, les parents… On ne prend pas assez en compte la parole de l’enfant et ce qu’il ressent. "
Quinze programmes courts composés d’images inédites du documentaire d’Amandine Stelletta et Nicolas Bourgouin à regarder ici.