Marine Le Pen se réclame de "l'élitisme républicain" et apprécie le soutien des enseignants du "collectif Racine"
Paru dans Scolaire le samedi 12 octobre 2013.
Mots clés : Le Pen, Jaffré, Avello, Laupies, Sibel
"Je sais bien que dans les salles des profs, les langues se délient" et que le discours en faveur du "Bleu Marine" "ne se cache plus". La présidente du Front national a clôturé la conférence de lancement du "collectif Racine" des "enseignants patriotes", ce 12 octobre. Pour elle, une telle initiative était "inimaginable il y a quelques années", signe que "la bien-pensance recule" et que "les profs sont comme les autres citoyens", même "s'ils ne peuvent encore se dévoiler" partout. Le collectif compterait d'ailleurs actuellement "plus de 100 membres", dont un inspecteur (un IEN) et des personnels de direction.
Se réclamant de "l'élitisme républicain", qui assure "la sélection des meilleurs par la promotion de tous", elle dénonce "le désastre" provoqué par "le pédagogisme" depuis une cinquantaine d'années. Seuls deux anciens ministres de l'Education nationale trouvent grâce à ses yeux, Jean-Pierre Chevènement et Gilles de Robien (pour son combat contre "la méthode globale").
Tous les autres "ont cautionné des lubies dévastatrices", parmi lesquelles Marine Le Pen range la "réforme stupide des rythmes scolaires". Elle condamne aussi les propos de Vincent Peillon qui veut "arracher l'élève à sa sphère privée", comme s'il devait oublier sa date et son lieu de naissance. Elle affirme aussi que "l'enfant ne construit pas son savoir, il le reçoit".
Yannick Jaffré (agrégé de philosophie) avait dénoncé avant elle un élève "citoyen du monde" et "mesure de toute chose" et une école qui aurait cessé "d'entretenir l'unité d'âme de la nation". Elle aurait renoncé à "l'idéal de l'aristocratie populaire", un idéal proprement français qui nous distinguerait des modèles anglais, allemands ou américains, et à l'appui duquel il cite Condorcet, Langevin, Rabelais, Montaigne... Interrogé en marge de la conférence par ToutEduc, il dit se situer dans la postérité de Hegel et de Nietzsche, mais pas de J. Muglioni, l'ancien doyen de philosophie qui a fondé la pensée "républicaine" contemporaine. Il se présente comme "un patriote de gauche".
Valérie Laupies est professeure des écoles, candidate FN à Carpentras, conseillère politique de Marine Le Pen. Elle raconte qu'elle a été formée à l'IUFM de Lyon alors que Philippe Meirieu en était le directeur, et qu'elle a été attirée par les pédagogies non directives. Pendant 6 ans, sa classe était "un lieu de vie", et l'enfant était "acteur de son savoir". Mais, par "besoin d'un cadre plus rigoureux", elle a décidé d'être "la maîtresse", "l'adulte qui sait ce qui est bien pour lui". Et le métier est devenu "plus simple", elle assume "la souveraineté dans sa classe". Elle est pour "la méthode syllabique", pour "des programmes clairs et concis", pour la notation, pour un directeur d'école qui soit chef d'établissement, pour une meilleure rémunération des enseignants aux dépens des créations "démagogiques" de postes. Quant aux enfants de l'immigration, plutôt que de construire pour eux des "parcours individualisés", il faut exiger "leur assimilation" et qu'ils fassent "un effort supplémentaire" dans les disciplines où ils sont en difficulté. Il faut aussi "en limiter le nombre".
Alain Avello, autre philosophe, place l'autorité au centre de son propos. Le savoir doit être "sacralisé", le maître n'est pas l'égal de l'élève et tout ce qui tend à réduire la distance entre eux va à l'encontre de cette autorité, de cette "verticalité" qui "inspire le respect". Il faut donc "réhabiliter le cours magistral à tous les niveaux". L'enseignant s'adresse à "ce qu'il y a d'universel" en chaque élève, et non à des individus dont il devrait connaître la psychologie ou les conditions sociologiques. Citant Jean-Claude Michéa, il dénonce une école livrée au "capitalisme total" et à l'idéologie libérale de droite, mais tout autant "l'idéologie égalitariste et libertaire" issue de "la pensée 68". Pour lui, si la magistralité inspire spontanément le respect, et n'a pas besoin de sanctions pour s'imposer, il faut pourtant "renouer avec la pratique effective des sanctions".
Michel Sibel, professeur d'EPS dans un lycée professionnel, va dans le même sens lorsqu'il estime qu'un élève qui "déroge au contrat" qu'il passe avec l'établissement, "sort du système". Il demande d'ailleurs de "réels conseils de discipline". Et pour lui, il est clair qu'il faut renoncer "aux illusions du pédagogisme", certains élèves réussiront, "d'autres ne réussiront pas ou réussiront ailleurs". Il ne dit pas où, mais demande le rétablissement de la "loi Cherpion" qui permettait à un élève de 14 ans de s'orienter vers l'apprentissage.
Michel Sibel dénonce en outre "le communautarisme" et ces élèves qui "refusent de se fondre" dans la "communauté scolaire", la seule qu'il reconnaisse. Il en appelle au "redressement des corps", contre les "idéologies hédonistes et laïcistes", contre "le désarmement moral".
Gilles Lebreton, professeur de droit (université du Havre) s'en prend pour sa part au "triple abandon" dont souffriraient les universités, à l'ultralibéralisme, au régionalisme, et au "communautarisme", et il dénonce une évolution de "l'assimilation" à "l'intégration" et de "l'intégration" à "l'inclusion", dernière étape avant le communautarisme.
Pour Marine Le Pen, le collectif Racine est "l'un des supports de la reconquête" qu'elle a entreprise. Il y en a d'autres qui existent déjà ou qui se préparent, et elle annonce pour "bientôt des initiatives dans le monde étudiant". Elle vante "la cohérence" de son projet qui porte aussi bien sur l'école que sur les questions de sécurité, de rayonnement du français, de l'immigration... "Nous avons une vision, un cap", affirme-t-elle.
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