Europe : des classes plus chargées en France, mais des objectifs européens atteints pour l'accueil des 4 ans et les sorties précoces (DEPP)
Paru dans Petite enfance, Scolaire le mardi 07 juillet 2020.
La DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance) vient de publier la troisième édition de "L'Europe de l'éducation en chiffres". Cet ouvrage de plus de 90 pages, publié tous les deux ans en s'appuyant notamment sur les résultats des évaluations de PISA, de l'enquête Talis ou encore du Programme international de recherche en lecture scolaire (Progress in International Reading Literacy Study – PIRLS) et du Programme international de recherche en mathématiques et en sciences (Trends in International Mathematics and Science Study – TIMSS), met en perspective l'école française au regard des systèmes éducatifs européens. Il vise deux objectifs principaux, "identifier les points forts en France et ceux pour lesquels il est possible encore de progresser", souligne en introduction le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Si la France présente, parmi les points faibles, des taux d'emploi des jeunes diplômés encore en deça des objectifs fixés par l'Europe, des classes parmi les plus "chargées" en Europe et compte encore trop de jeunes "faiblement performants" dans chacun des 3 domaines de PISA, elle affiche en revanche, au regard des autres pays européens, un score moyen pour la compréhension de l'écrit supérieur à celui de l'OCDE et consacre l'un des programmes les plus importants, du 1er à la fin du 2nd degré, à l'éducation à la citoyenneté.
Concernant les résultats des élèves, l'ouvrage souligne que la France accuse un retard sur deux des six cibles que s'était fixées l'Union européenne à l'horizon 2020 : elle est en deça du taux d'emploi visé pour les jeunes diplômés (il devrait être d'au moins 82 % pour ceux du second cycle de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur âgés de 20 à 34 ans ayant quitté le système d'éducation et de formation depuis au maximum trois ans) et elle n'a pas réussi à atteindre un taux de moins de 15 % d'élèves de 15 ans "faiblement performants" dans chacun des 3 domaines de PISA (quel que soit le domaine observé). Néanmoins en France, les proportions dans ce dernier objectif restent stables, alors que la part d'élèves en dessous du niveau 2 dans l'OCDE a augmenté de 3 points durant cette décennie et que cet objectif concernant la maîtrise suffisante dans les 3 domaines PISA est l'objectif le moins souvent atteint par les pays de l'UE. En 2018, seules l'Estonie, la Finlande et la Pologne avaient atteint chacun de ces trois sous-objectifs.
Des progrès concernant les sorties précoces mais des écarts de genre et d'origine socio-économique à corriger
Concernant les résultats observés au CM1, la France compte aussi des domaines où il conviendrait de "progresser". C'est par exemple le pays où le lien est le plus fort entre l'indice de statut économique, social et culturel (SESC) et les résultats en compréhension de l'écrit. Et si dans tous les pays de l'Union européenne, les élèves "très favorisés" obtiennent des scores significativement supérieurs à ceux des élèves "très défavorisés", la France fait partie des pays où cet écart est élevé (107 points contre 61 points en Estonie où l'écart relevé est le plus faible), même s'il n’a pas augmenté depuis le dernier cycle (110 points en 2009). De même, concernant les écarts de genre (qui s'observent néanmoins globalement partout sauf dans les sciences), la France est le pays où les garçons obtiennent un score significativement supérieur aux filles en maths.
Néanmoins, la différence filles-garçons en compréhension de l'écrit compte parmi les plus faibles d'Europe (domaine dans lequel les filles obtiennent des scores systématiquement plus élevés). La France fait aussi partie des 11 pays de l'Union européenne où le score moyen pour la compréhension de l'écrit est supérieur à celui de l'OCDE (493 points), derrière la Finlande (520 points, même si ce score a subi une chute de 16 points en 2018), le Royaume-Uni (504 points) ou encore l'Allemagne (498 points). Enfin, elle fait aussi partie des 17 pays (avec notamment la Finlande, l'Irlande ou la Pologne) à avoir déjà atteint l'objectif de moins de 10 % de sorties précoces (ou "décrochage") même si une baisse de ces sorties s'observe globalement partout.
Les TIC faiblement utilisés en France pour apprendre mais un important programme d'éducation à la citoyenneté
Concernant les apprentissages, même si 80 % des nouveaux enseignants déclarent avoir été formés à l'utilisation des TICE, il semble que l'on fasse encore peu utiliser aux élèves français les TIC pour apprendre : ainsi, ils ne sont que 8 % à s'en servir à l'école et 25 % en dehors de l'école dans un objectif d'apprentissage, alors qu'ils sont respectivement, pour le pays où ces usages sont les plus développés, 81 % et 35 % au Danemark.
En revanche, la France occupe une "bonne place" pour ce qui est de l'éducation à la citoyenneté, avec l'Estonie, la Finlande et la Grèce. Ces quatre pays en font en effet une matière obligatoire de l'élémentaire au second cycle du secondaire. À la fin de sa scolarité secondaire, un élève français aura bénéficié de 310 heures contre, par exemple, 20 heures de cet enseignement à Chypre, ou encore 150 heures en Belgique francophone.
Au niveau de l'école élémentaire, la France figure parmi ceux qui consacrent le plus d'heures à l'ensemble "lecture, écriture et littérature" (1660 heures) et aux mathématiques (900 heures) mais également à l'EPS (avec 540 heures, elle fait partie des cinq pays qui accordent plus de 500 heures à cette matière).
Taux d'encadrement : la France "mauvaise élève" jusqu'au second cycle du secondaire
Concernant l'organisation, la France fait partie, avec le Royaume-Uni, des pays où la taille moyenne de classe dans l'enseignement élémentaire et dans le premier cycle d'enseignement secondaire est la plus élevée (respectivement 24 et 27 élèves par classe), le minimum étant observé en Lettonie et au Luxembourg, avec 16 élèves par classe. Pour l'élémentaire, avec plus de 19 élèves par enseignant, elle présente le taux le plus fort au sein de l'UE, dans le préélémentaire,avec plus de 23 élèves par enseignant, le pays affiche le deuxième taux le plus important, où il n'est devancé que par le Royaume-Uni, avec presque 25 élèves.
Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement (14 élèves par enseignant) est meilleur que dans le premier degré, mais il reste plus élevé que dans tous les autres pays, sauf aux Pays-Bas (16) et au Royaume-Uni (15). En revanche, dans le second cycle du secondaire (sans distinction de voie), le taux d'encadrement en France (11) est meilleur que celui de la moyenne UE (12) et surtout celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17), mais aussi de la Finlande (18) (Ces taux d'encadrement doivent se comprendre en tenant compte des options ou des choix de langues, qui génèrent des groupes à effectifs réduits, ndlr).
En France, une dépense publique d'éducation en "stagnation"
Rémunérations des enseignants et budgets alloués à l'éducation font aussi l'objet d'un comparatif. Le document fait d'abord état de différences "importantes" en matière de répartition des dépenses d'éducation. En France (dont le schéma ressemble à celui de l'Allemagne), la dépense par élève, "relativement faible" au premier degré, "s'accroît avec le niveau d'éducation pour atteindre des valeurs élevées" au niveau du lycée (près de 15 000 $ US contre moitié moins environ pour le premier degré en France). C'est le Luxembourg qui affiche la dépense par élève la plus importante de l'Union européenne (plus de 17 000 $ US à chaque niveau d'enseignement). Et la France fait partie des pays où, malgré la hausse du PIB entre 2010 et 2016, la dépense publique d'éducation a stagné.
La France se démarque notamment par des rémunérations moindres accordées à ses enseignants. "Quel que soit le niveau d'enseignement, il est inférieur en France qu'en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Communauté française de Belgique", constate l'auteur. À titre d'exemple, dans l'élémentaire les enseignants titulaires touchent 39 400 $ (chiffres 2016) alors que les enseignants allemands, les mieux payés, touchent 68 700 $. En revanche, certaines tendances peuvent s'inverser au second cycle du secondaire. Par exemple, si les enseignants du premier degré gagnent moins en France qu'en Angleterre et en Suède, en second cycle du secondaire ils gagnent, en moyenne, davantage en France (51 000 $) que dans ces deux autres pays (respectivement 46 900 et 47 300). L'auteur de l'ouvrage souligne d'ailleurs à ce sujet que "dans l'enseignement secondaire, la France rattrape en partie son retard en matière de rémunération, en particulier dans le second cycle général". Rémunérations en tout cas qui peuvent expliquer les faibles taux de satisfaction à ce sujet, inférieurs à la moyenne européenne quel que soit le groupe d'âge (moins de la moitié pour les enseignants âgés de moins de 30 ans contre une moyenne de 52 % en UE et à peine 26 % pour les plus de 50 ans, contre 34 % de moyenne UE, alors que ces taux peuvent même être supérieurs à 60 % dans certains pays).
Notons aussi que l'ouvrage offre un focus sur l'accueil de la petite enfance. Dans ce domaine, seuls 7 pays en 2018-2019 se distinguent en garantissant à chaque enfant, par la loi, une place dans une structure formelle dès le plus jeune âge, en général directement après le congé postnatal, dont le Danemark, la Suède, l'Estonie et la Finlande). Mais au regard de l'un des grands objectifs fixés par l'UE d'assurer le développement éducatif ou l'enseignement préélémentaire d'au moins 95 % des enfants entre l'âge de 4 ans et celui du début de l'instruction obligatoire, l'auteur note que seuls la France et le Royaume-Uni ont mis en place la scolarisation universelle dès l'âge de 3 ans. Et pour ce qui est de cet accueil "formel" avant l'élémentaire, il relève de "grands" écarts entre les pays : de 72 % des enfants accueillis au Danemark à seulement 1 % en République slovaque.
Une partie spécifique dédiée à la gestion de la crise du Covid-19
Enfin, la délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (DREIC) du ministère de l'Education nationale, fait aussi un focus exceptionnel sur la gestion de la crise du Covid-19 par les pays de l'Union européenne. Celle-ci fait un état des lieux des dispositifs d’enseignement à distance que les autorités éducatives ont déployés afin d'assurer la continuité pédagogique, certains s’appuyant sur des outils préexistants, d'autres totalement créés (en France, l'opération "Nation apprenante" a permis de proposer, en partenariat avec des médias, des programmes en lien avec les curricula ; en Slovaquie, deux sites ont été spécifiquement créés pour accompagner les élèves dans la préparation de leurs examens). Elle présente aussi les actions d'acteurs privés pour mettre à disposition des outils, ressources, connexions..., le calendrier qui a été adopté par chaque Etat pour réouvrir les écoles, le Danemark ayant été le premier (avec l'élémentaire le 15 avril), et fait état des types de stratégies et réorganisations adoptées pour ces réouvertures. En termes de nouvelle organisation des cours, certaines initiatives originales sont mises en valeur comme celles initiées avec des activités conduites en extérieur. Ainsi, Au Danemark, par exemple, les élèves suivent leurs cours dans des parcs, des musées municipaux voire des stades de football.
Ce focus rappelle, en s'appuyant sur des données de l'UNESCO, qu'au plus fort de la crise, en avril 2020, 1,5 milliard d'élèves originaires de 193 États, soit 91 % de la population mondiale apprenante, étaient privés d'école selon l'UNESCO.
L'intégralité de l'ouvrage ici
Camille Pons