Et si le lycée professionnel était à l'avant-garde ? (ouvrage)
Paru dans Scolaire le dimanche 25 décembre 2016.
"Il est urgent de regarder avec un peu plus d'attention ce qui est bien fait dans nos classes", s'exclame Judith Rosenfeld, professeure dans un lycée professionnel de la banlieue lyonnaise. Son intervention lors des "entretiens Bussion" consacrés à cette voie d'enseignement est reprise dans un bref ouvrage qui interpelle son lecteur dès le titre. Est-ce une voie d'avant-garde ou une voie de relégation ? C'est d'abord une "voie méconnue", qui "mérite d'être considérée de façon plus ouverte", qui est "avant-gardiste" puisqu'elle s'est engagée avant les autres "dans la logique des compétences", mais où "les écarts de réussite ont plus que doublé entre les enfants de cadre et enfants d'ouvrier" et où "les orientations gagnent en irrersibilité".
Le lycée professionnel a été "un laboratoire d'innovation pédagogique", qu'il s'agisse de l'évaluation des élèves, de la pluridisciplinarité, de la démarche de projet, mais l'évolution des publics est "parfois préoccupante", avec des phénomènes de harcèlement et "des climats de violence grandissants". Eric Verdier (CNRS) pose d'ailleurs la question. Peut-on envisager son avenir et repenser ses finalités aussi longtemps que le collège n'assure pas réellement l'acquisition pour tous du socle commun ?
L'ouvrage est aussi l'occasion de s'interroger sur le recrutement des enseignants, les PLP. Autrefois, "il passait souvent par les concours internes", donc la titularisation de contractuels aux "parcours atypiques", tandis que les concours externes favorisent des étudiants "au parcours proche des professeurs de l'enseignement général". Ce qui n'exclut pas la générosité. Ainsi Judith Rosenfeld évoque les chemins improbables empruntés par quatre de ses élèves, dont trois ont réussi des études supérieures, contre toute attente au vu des leurs lacunes ou de leurs attitudes lorsqu'ils sont arrivés au lycée, et le quatrième une belle insertion professionnelle et surtout un projet de vie, mais elle constate que cela n'intéresse personne, car "vouloir que des jeunes de la voie professionnelle fassent [de telles études serait] trop ambitieux" et les expériences faites par ses collègues et elle-même sont restées à ce jour "de belles expériences humaines" dont l'institution ne tire aucune leçon d'optimisme.
"Le Lycée professionnel : relégué ou avant gardiste ?" , ENS éditions, 112 p. 10 €