Chronique ordinaire des jours extraordinaires - 9 avril
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 09 avril 2020.
ToutEduc tient chronique des petits gestes et des petits faits des jours du confinement, des bonnes et des mauvaises surprises des acteurs de l'éducation, des situations qu'on n'imaginait pas, des outils auxquels on ne pensait pas... Vous pouvez nous adresser vos textes, de 3 à 25 lignes (mais le plus court est le mieux), du positif ou du négatif, mais ancré dans la singularité de votre expérience (redaction@touteduc.fr)
J-B, directeur national d’un réseau associatif (J 22)
Les vacances scolaires démarrent pour une partie du pays. Les vacances scolaires… Concept complexe, pendant le confinement. La situation normale, notre réseau, a une activité très importante durant cette période de vacances. Cette année nous ne pourrons donc pas organiser notre activité. Cela devrait se traduire, financièrement, par une année terrible ! Cela devrait également avoir un impact sur le nombre de nos militants, dans la mesure où nous présentons notre projet de société durant cette période, entre autres du moins. Mais pour continuer d’essayer de garder contact avec les usagers nous avons décidé d’organiser des sessions de sensibilisation à notre activité pendant cette période. C’est entre autres ce que je vais devoir terminer aujourd’hui. Je vais donc, avec mes fils, réaliser des petites vidéos, des QCM, des activités à faire à distance… sur l’animation.
Mon fils le premier, ne nous fait plus les apéros philo de 19 heures tous les deux jours. Nous avons essayé de le convaincre de les remplacer par une présentation des textes qu’il doit préparer pour son bac français. Ça a été compliqué, mais nous pensons avec ma femme que nous ne sommes pas loin d’avoir réussi. Cela peut être un entraînement pour lui, un moment de révision, et pour le reste de la famille un moment agréable de découverte du français, au travers de textes importants.
Le professeur de physique de mon fils de troisième nous a répondu. Pardon, lui a répondu. En substance ce courriel précisait que le devoir rendu la veille, n’était pas mauvais mais qu’il fallait calculer une deuxième énergie de positionnement… Là, je pense que je suis autant perdu que lui. Nous allons lui répondre aujourd’hui pour lui demander où nous pouvons trouver un cours, des éléments nous aidant pour comprendre la totalité de cet exercice.
Ce matin, en lisant la presse numérique, je suis tombé sur un article précisant que lorsque le président dit qu’il faudra repenser notre système de santé et notre système de production alimentaire, il fallait être plus que prudent sur ses intentions. N’allait-il pas forcément s’agir de restructurer la question de l’emploi, du service public, de l’autonomie alimentaire en créant des emplois en local ?… Mais plutôt autonomiser encore plus la production alimentaire, la robotiser, adapter les outils numériques pour qu’il y ait besoin de moins en moins de main-d’œuvre humaine ? L’idée était globalement la même en ce qui concerne l’hôpital. Je veux continuer de croire que le contenu de cet article n’était qu’une hypothèse, et que non, nous pouvons repenser différemment la question de l’alimentation et de notre système de santé, en créant plus d’emplois de proximité.
J 23
Le réseau est au ralenti, c’est paradoxal, il y aurait pourtant encore pas mal de travail à faire : des dossiers à compléter, des démarches à terminer, d’autres à inventer. Mais sans entrée d’argent, il n’est pas possible de continuer à travailler autant que d’habitude. Le chômage partiel pour le réseau, et pour la tête de réseau, et donc à l’œuvre. Certains travaillent à mi-temps, d’autres un peu plus, d’autres moins ; le reste du temps, nous sommes au chômage partiel. Il y a donc, tout de même, moins de réunions, moins de courriels, mais les journées passent toujours aussi vite. Je passe beaucoup de temps au téléphone, pour accompagner telle personne pour finaliser telle démarche pédagogique que nous intégrerons sur la plate-forme de formation à distance de notre réseau. Hier j’ai commencé un courriel à 9h35, au moment de l’écriture de cette chronique, il n’est toujours pas terminé, ce sera pour demain matin….
Nous sommes en milieu de semaine, et normalement la semaine prochaine est la première semaine des vacances scolaires d’avril pour notre zone. C’est compliqué de mettre au travail nos enfants. Mais en fait, c’est comme d’habitude, la dernière semaine de classe est toujours complexe, « ça sent les vacances ! ». En fin d’après-midi avec ma femme nous regardons le cahier de texte (sur pronote) de notre enfant de troisième, pour regarder les devoirs des vacances. Et là nous constatons, qu’il y a autant de travail à fournir, de devoirs à rendre (sic !) que durant les premières semaines de confinement ! Certes, nous avons entendu parler des « vacances apprenantes ». Mais, je pense qu’il ne faut pas exagérer, nous allons lever le pied en ce qui concerne le temps de travail scolaire que nous demandons à nos enfants de réaliser quotidiennement. Ils ont réellement besoin de « vacances ». Nous essaierons de leur faire faire autant de devoirs que ce qu’ils font durant une période de vacances classiques. Peut-être un petit peu plus…
En fin de journée nous apprenons, en fait nous ne l’apprenons pas, car nous nous en doutions fortement, écoutant régulièrement les autorités médicales et leurs hypothèses, que le confinement sera prolongé… Sans plus de détails… Nous attendrons donc la parole présidentielle pour savoir ce qu’il en est…
C. Directeur national d’un réseau associatif
Quatrième semaine de confinement... La période des vacances de printemps qui arrive (même si cela est compliqué, il me semble qu’il faut continuer au maximum de conserver des repères en termes de temps sociaux...) ; le travail partiel qui s’est installé... Ma responsabilité d’organiser les travaux des personnes de mon équipe, doit prendre en compte ces deux dimensions... Mais travaillant notamment dans le domaine des publications et de l’édition, l’équipe rédactionnelle « tourne » à plein..., mais elle rassemble des salariés et des bénévoles militants, puisque nous alimentons de nouveaux contenus, notre médiathèque en ligne et que nous avons décidé d’éditer chaque vendredi des carnets d’activités en ligne pour les parents et les animateurs des petits accueils de moins de 10 enfants... Ce travail solidaire se fait également en lien avec la Cnaf et le ministère de la Jeunesse.
Le confinement amène de nombreux commentaires sur le numérique, au service de l’éducation et des apprentissages, sur l’enseignement à distance... Il faudra revenir sur les questions de fond qui apparaissent : inégalités d’accès ... mais pas que techniques, aussi culturelles, cognitives, en terme d’autonomie dans les apprentissages... J’ai retrouvé en rangeant quelques affaires, ce que la période nous permet de faire, un texte que j’avais écrit, pour une intervention à l’université de la communication d’Hourtin, en Août 1999, il y a 20 ans !!! «Le progrès technologique ne rime pas obligatoirement avec progrès pédagogique... L’interactivité dans les apprentissages n’est – elle pas trop souvent plutôt machinique et non pas de l’interaction sur le sens et les contenus des activités ? De même, je disais que « l’agir » en jeu pour les personnes apprenantes ne doit pas se situer qu’à un niveau fonctionnel mais s’inscrire dans un projet authentique de communication dans son rapport aux autres... Enfin ces nouvelles technologies (internet), écrivais-je, portent des valeurs de partage, d’échanges, d’aide, mais elles sont aussi aspirées et inscrites dans un système économique où les valeurs dominantes sont par contre l’excellence, la compétition, le profit, la dimension de marchandise ... à l’opposé des premières... Elles créent de la communication, des rencontres mais en même temps, elles sont des médias à consommation individuelle, elles renforcent les personnes qui savent déjà... » Il me semble qu’après cette période, il nous faudra reprendre ces réflexions de fond sur la formation à distance, l’autodidaxie et les outils utilisés ; selon moi, ils doivent surtout s’appuyer sur des contenus qui dans leur conception, portent cette pédagogie de la coopération, du partage, de l’échange inscrits dans leurs scénarios d’usages, qui appellent à du collectif, de la relation... Notre attention et notre mobilisation seront à prioriser vers le champ de la pédagogie et non pas à se focaliser sur les dimensions matérielles qui n’en doutons pas seront portées par les industries dont les intérêts sont évidents !
Je souhaite avec mon association contribuer à cet « après », pour une éducation toujours nouvelle à construire, au cœur des politiques publiques ! En attendant, j’ai un peu pris mon rythme du confinement, des « ronds » en vélo dans mon quartier, quand même 12 km chaque soir ! Et un peu de jardinage, faisant partie des privilégiés qui habitent un peu à la campagne, en province...