Enseignement agricole : les sénateurs veulent le défendre contre l'Education nationale
Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 14 février 2021.
Au Sénat, une mission d'information dénommée "l'enseignement agricole, un outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires" a tenu sa réunion constitutive et désigné le 9 février, son président, Jean-Marc Boyer et sa rapporteure, Nathalie Delattre. Les débats, très consensuels ont essentiellement tourné autour de trois thèmes.
La volonté de préserver la spécificité de l'enseignement agricole sur lequel l'Éducation nationale voudrait bien "mettre la main", voire opérer un "hold-up", parce qu'il est "à la pointe de son fonctionnement" est plusieurs fois évoquée. Ainsi, "la réforme du Baccalauréat ne fait que transposer ce qui existe depuis une vingtaine d'années dans l'enseignement agricole, et l'Éducation nationale n'a fait que copier son fonctionnement. Sur le plan pédagogique comme en matière d'organisation, l'enseignement agricole a toujours été précurseur. C'est pourquoi l'Éducation nationale cherche sans cesse non seulement à copier son fonctionnement, mais aussi à s'approprier ses filières." Max Brisson rappelle que l'an dernier, "la discussion budgétaire a été houleuse, le ministère de l'Education nationale ayant du mal à accepter l'idée que des activités d'enseignement puissent échapper à son périmètre. L'enseignement agricole a été victime de coupes budgétaires et sa pérennité peut être remise en cause." Jean-Pierre Decool indique que, "dans le Nord, plusieurs lycées agricoles ont noué des partenariats avec des lycées d'enseignement général" et que "les résultats sont spectaculaires : Des passerelles existent pour les élèves, comme pour les professeurs, et l'orientation des élèves est facilitée." Mais Jean-Marc Boyer indique que, dans le Puy-de-Dôme, "on peine à rapprocher au sein d'un pôle éducatif unique un collège et un lycée professionnel agricole, pourtant voisins". Les enseignants du collège s'y opposeraient.
Autre sujet qui est revenu à plusieurs reprises, la situation des MFR, les maisons familiales rurales qui "ont beaucoup de difficultés à recruter" et "pâtissent d'une perte de ressources". Pourtant ces établissements "accueillent souvent des élèves dont les autres filières ne veulent pas et leur permettent de trouver leur voie". De plus, "les taux d'insertion professionnelle sont remarquables". Ce sont "des lieux d'excellence". Les MFR dépendent chacune d'une association. "La direction générale de l'enseignement et de la recherche (au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, ndlr) aimerait qu'elles fusionnent. Cette diversité constitue pourtant leur force."
Troisième thème, l'adaptation de l'enseignement agricole "à de nouveaux enjeux - comme le changement climatique -, à de nouvelles pratiques, à de nouvelles techniques - comme l'usage des drones dans les exploitations - et à des publics nouveaux, car de plus en plus de personnes effectuent des reconversions professionnelles à des âges très variés". Nadia Sollogoub connaît "le cas de médecins retraités qui ont passé un CAP pour se lancer dans l'élevage". Pascale Gruny a visité un lycée agricole où "aucun élève n'envisageait de devenir exploitant agricole"
Mais l'enseignement agricole est-il été capable d'anticiper les besoins ? Les sénateurs devront "travailler sur l'adéquation entre les besoins anticipés et le contenu des formations proposées". Ils évoquent des formations "aux techniques de négociation, au droit ou à l'économie", aux "nouveaux circuits de vente, comme les circuits courts", à l'entrepreneuriat... "En viticulture, les tractoristes polyvalents sont ainsi très recherchés, mais ils sont trop peu nombreux car la filière n'a pas su anticiper."
La mission devrait rendre son rapport en juin, de manière à pouvoir peser sur les choix budgétaires pour 2022, sinon "il faudra viser la mi-septembre, afin d'avoir un certain impact médiatique". Elle partira "des besoins des filières agricoles pour définir la nature d'un enseignement agricole idéal (...), avant d'examiner l'existant". Elle devra "également évaluer l'impact de certaines réformes sur l'attractivité et l'efficacité de l'enseignement agricole". Il s'agit notamment des réforme de l'apprentissage et du baccalauréat. C'est que, fait remarquer le président de la mission, "l'enseignement agricole a toujours eu un problème de communication pour faire connaître ses filières, ses spécialités, ses débouchés, ses résultats - pourtant excellents !"
Le compte rendu de la réunion ici