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L'enseignement n'est pas "un métier comme un autre", il est fait d'optimisme dans une situation de plus en plus difficile (Ifop - Jean Jaurès)

Paru dans Scolaire le jeudi 25 février 2021.

"Prof, un métier comme un autre ?" Avec cette question, Jérémie Peltier et Iannis Roder propose un commentaire du 3ème volet de l'enquête de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès qui porte sur le rapport des enseignants à leur travail : comment vivent-ils leur métier ? L’exercent-ils encore par vocation ? Les auteurs, après avoir dépouillé les réponses de quelque 800 enseignants à questionnaire auto-administré en ligne, reprennent quelques mots de la chanson de Charles Trenet Y’a d’la joie : "Tout le jour, mon cœur bat, chavire et chancelle". La grande majorité de professeurs (primaire et secondaire) interrogés indiquent exercer leur travail d’enseignant "avec plaisir" : 83%, contre 13% qui disent l’exercer "sans plaisir". Ce constat ne devrait-il pas "clore tout débat sur un potentiel malaise des enseignants" ?

Certes, "la représentation qu’ont les enseignants de leur métier et de l’action de leur établissement est majoritairement positive. Ils indiquent exercer leur métier avec plaisir, sans trop de difficultés, dans des établissements qui continuent à jouer un rôle pour la société dans son ensemble. Ils ne sont d’ailleurs 'que' 20% à indiquer avoir du mal à maintenir la discipline dans leur classe (...). Toutefois, sur cette question de la discipline, les fortes disparités ainsi que les évolutions que l’on peut observer sur plus de trente ans nous amènent à apporter un certain nombre de nuances sur l’optimisme que pourraient entraîner les premiers éléments de notre enquête."

Les enseignants se sentent-ils en sécurité ? "Force est de constater que cela semble aujourd’hui le cas chez l’immense majorité des enseignants interrogés dans notre enquête : 88% d’entre eux ont ainsi le sentiment d’être respectés par leurs élèves ; 87% ont le sentiment d’être en sécurité dans leur établissement et 77% ont le sentiment d’être respectés par les parents de leurs élèves." Mais ils ajoutent que 50% des enseignants interrogés "indiquent avoir été victimes d’agression physique ou verbale au cours de leur carrière dont 17% au cours de la dernière année scolaire". Si les enseignants disent se sentir respectés et en sécurité, "il est notable qu’il s’agit d’un sentiment créé d’abord et avant tout par la relation de confiance nouée avec les élèves. Pour le dire autrement, si leur état d’esprit semble demeurer positif et d’une relative sérénité, il apparaît que c’est d’abord de leur propre fait et de leur propre engagement, l’institution semblant jouer un rôle secondaire dans leur sentiment d’être protégés et respectés".

Serait-ce d’abord la sécurité de l’emploi ? Un "job de planqué", "choisi pour les vacances", d'autant que "l’Éducation nationale recrute n’importe qui". "Les petites phrases de ce type adressées au corps enseignant donneraient presque le sentiment qu’être enseignant est d’abord et avant tout un métier exercé pour ses avantages organisationnels et matériels, comme si travailler face à des élèves était quelque chose d’anodin, à la portée de tous et ne présentait ni contrainte ni difficulté. Or, il est très intéressant de noter dans notre enquête que la spécificité de ce métier par rapport à d’autres, à savoir le rapport à autrui, donc à l’élève, est bien au cœur des raisons pour lesquelles les enseignants ont décidé d’exercer ce métier."

Les auteurs commentent : "Cette enquête laisse donc apparaître un ensemble de situations qui peuvent sembler paradoxales : principe de plaisir fort dans l’exercice de leur métier contre climat scolaire qui semble se dégrader avec les nouveaux 'standards de violence' auxquels les enseignants semblent s’être habitués malgré eux. Ainsi, les enseignants semblent être dans une situation quelque peu schizophrénique, pouvant parfois relever du tragique, au sens de ce qui résiste à la réconciliation comme l’explique André Comte Sponville. De fait, le philosophe Vladimir Jankélévitch définit une situation tragique, une tragédie, comme 'l’alliance entre le nécessaire et l’impossible"'. En somme, pour le cas des enseignants, on pourrait dire qu’ils sont nécessaires à la bonne santé de la nation et au bon fonctionnement de notre démocratie. Il est également nécessaire pour eux de faire le travail avec dignité, dynamisme et plaisir et d’en être convaincus, ou bien, comme on le voit dans cette enquête, se convaincre que tout n’est pas si noir, quand bien même beaucoup d’indices indiquent que leur travail est de plus en plus impossible, qu’il est de plus en plus difficile d’effectuer ce travail avec une totale sérénité, et qu’il peut devenir impossible de remplir tous les objectifs que la nation leur assigne et qu’ils s’assignent à eux-mêmes : apprendre aux élèves à vivre et à évoluer en société (...)."

Le site ici



 

Rabah Aït-Oufella

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