L'écriture et les formes nouvelles de l'école, du Moyen-âge à nos jours (Anne-Marie Chartier)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 22 mars 2022.
"La massification des études produit mécaniquement un recours croissant à des formes standardisées d'évaluation" et on assiste à "un recul des activités d'écriture traditionnelles", qui faisaient la part belle à la production de textes en français, "discours et récits, ces modèles littéraires que la IIIème République a fait descendre des lycées vers l'école primaire". Après "L'Ecole et la lecture obligatoire", Anne-Marie Chartier publie "L'Ecole et l'écriture obligatoire", une véritable somme sur l'histoire de l'Ecole au prisme des pratiques d'écriture, depuis le Moyen-âge.
On y perçoit notamment l'importance des bouleversements qu'a provoqués l'invention de l'imprimerie, qui modifie le rapport au savoir puisque tout le savoir est à présent disponible. Gargantua voit "les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les palefreniers plus doctes que les docteurs et prêcheurs de (s)on temps". Autre révolution, dans les années 1850, le papier devient bon marché et trente ans plus tard, la préparation à l'aniline de l'encre favorise l'abandon de la plume d'oie...
C'est l'occasion aussi de revenir sur quelques idées toutes faites. C'est ainsi, par exemple, que "de 1892 à 1945, les dictées n'étaient pas notées", contrairement à l'image que nous avons d'une école de la IIIème République qui multiplie les annotations en rouge et les "5 fautes zéro". La première méthode de lecture globale vient des Etats-unis où Dick and Jane est un best-seller, de 1930 à 1970, tandis qu'en France, la Méthode Rose, qui est mixte, propose au bas de chaque page une phrase en cursive à recopier : "Les méthodes globales francophones ont peu à voir avec les méthodes globales anglophones, puisque l'apprentissage de l'écriture y est inclus."
Et l'histoire de l'écriture se fait analyse de l'école d'aujourd'hui, quand "les indicateurs retenus pour évaluer les performances (des élèves) sont ceux qui, par construction, se prêtent au calcul et peuvent se traduire dans toutes les langues", comme c'est le cas avec PISA. "Les QCM ont construit un "modèle' d'exercice entérinant la dissociation entre lecture et écriture", puisqu'ils permettent de hiérarchiser des données ou de choisir entre plusieurs propositions "sans le moindre recours à l'écriture". Les enseignants pourront "soit aller vers l'ingénierie de formation (...), soit aller vers un guidage pédagogique flexible", les supports de travail scolaire pourront soit inclure diverses formes d'expression, soit "adopter des offres commerciales prêtes à l'emploi" tandis que les programmes pourront favoriser la transdisciplinarité "et des réalisations collectives au long cours, soir préférer les contenus faciles à évaluer".
Mais l'écriture n'est pas perdue : "du fait de son faible poids en octet, l'écriture, média ultra léger, présente de grands avantages face aux concurrences de l'image et du son."
L'Ecole et l'écriture obligatoire, Anne-Marie Chartier, éditions Retz, 336 pages (grand format), 25 €.