C'est le "feedback" qui donne son sens à l'évaluation (colloque du réseau des INSPE)
Paru dans Scolaire le jeudi 08 juin 2023.
Après un cycle de conférences qui se sont déroulées de mars au mois de mai, le printemps de la recherche en éducation, avec pour thème cette année l'évaluation, organisé par le Réseau des Inspé, se conclut par un colloque à la Sorbonne mercredi 7 et jeudi 8 juin.
L'introduction était assurée par la ministre de l'enseignement supérieur, venue soutenir la démarche d'évaluation, “rouage clé de l'efficacité de notre système éducatif“; la professeure en psychologie du développement Isabelle Negro a présenté les recommandations de la conférence de consensus du CNESCO sur le sujet. Cette dernière a fait valoir les travaux de Sylvie Fontaine (U. Québec) sur le sentiment d'incompétence des enseignants débutants pour évaluer les élèves, notamment en raison de tensions à l'entrée dans le métier qui suppose de concilier pratique réelle et pratique idéalisée, de se positionner par rapport à des collègues plus expérimentés ou encore de travailler sur les contenus pour examiner la cohérence entre l'enseignement et l'évaluation mise en place.
Système de notation
Comparativement aux autres pays, la notation sur 20 ne représente “pas du tout la majorité des cas“, a ainsi expliqué Dominique Lafontaine (sciences de l'éducation, U. Liège) qui pense que c'est même “relativement atypique“. Ainsi en France “on a tendance à maximiser les écarts entre les élèves“, tandis qu'en Allemagne les notes vont de 1 à 6, avec seulement deux échelons pour caractériser les performances insatisfaisantes. En Finlande, où les notes vont de 4 à 10, l'effort apparaît atteignable tandis qu'en France l'objectif peut apparaître inatteignable.
Est-ce que le problème n'est pas la manière dont est construite la note ? Interroge à son tour Raphaël Pasquini (Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne), et “à quelles conditions une note, qui reste un symbole universellement transparent, peut donner des infos intéressantes sur ce que l'on réussit ou pas“. Surtout que, comme le rappelle Sébastien Goudeau (U. Poitiers), les notes engendrent des effets différents. Il peut s'agir par exemple d'essentialisme, action par laquelle une note serait le reflet de la “qualité intrinsèque“ de l'élève et non pas de sa production, avec pour conséquence des effets délétères sur les élèves en difficulté. Autre élément, la note facilite les comparaisons sociales, mais ajoute-t-il, si la note exacerbe ce processus, son absence ne l'annule pas non plus.
Mais Daniel Bart (U. de Lille) fait la remarque suivante : on n'évalue pas en EPS, en physique ou dans d'autres disciplines de la même façon... or la question des disciplines n'est pas la porte d'entrée sur cette question, les particularités disciplinaires ne sont pas abordées. Pourquoi aborde-t-on d'un point de vue généraliste une école structurée par des matières ?
La note est surtout un message adressé à l'élève, explique Nathalie Sayac (U. Rouen Normandie), et il existe “une telle diversité de notations qu'on ne s'y repère pas“. Noter relève de l'intime professionnel des enseignants, et c'est cette dimension personnelle qui vient interférer avec la note. Partant de la subjectivité de l'évaluateur, la question de la note comme mesure de niveau de connaissance “n'a pas de valeur“, et en France “quand on attribue une note c'est figé, comme un coup de tampon“ alors que l'importance se trouve à la fois dans ce que l'élève va recevoir, et des feedbacks que l'enseignant lui fera.
Feedback
“Il faut apprendre aux enseignants à centrer les feedbacks sur les tâches et le processus, pas sur les personnes, considère Dominique Lafontaine sur ce sujet, et dès lors “sensibiliser aux conséquences sur le plan socio-affectif“, car “certaines pratiques (des retours négatifs ou des jugements, ndlr) vont être délétères et d'autres vont soutenir les apprentissages“.
On peut d'ailleurs “dé-essentialiser" la note (ou la compétence), estime Sébastien Goudeau, l'important c'est "comment c'est accompagné par l'enseignant“. Seulement, cela pose la question fondamentale de la formation des enseignants : faire des feedback nécessite des constructions particulières lors de la formation initiale, “c'est très couteux en termes de temps, et il faut des outils didactiques adaptés“.
Raphael Pasquini pense à ce titre qu'il est très difficile d'associer des élèves à des démarches d'évaluation si l'enseignant n'est pas lui-même au clair avec son évaluation, et “souvent le travail d'explicitation pour un enseignant est très difficile“. En formation initiale, il convient d'amener les étudiants, au delà des contenus mêmes, à se demander : qu'est-ce que vous souhaitez que les élèves apprennent ? Que vont-ils faire, pour quoi faire ? Un renversement de perspective d'une complexité extrêmement importante..
A noter qu'une conférence de Pierre Merle (INSPÉ de Bretagne) intitulée "L'évaluation des compétences des élèves. La recherche complexe d'une évaluation efficace" aura lieu dans ce cadre aujourd'hui 8 juin. Les vidéos du colloque seront par la suite disponible sur la page youtube du Réseau des Inspé.