Sarah El Haïry et les vicissitudes du SNU (Assemblée nationale)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 20 juillet 2023.
“C'est ça le rêve français : si tu veux t'engager alors il y aura des hommes et des femmes pour t'accompagner." Auditionnée jeudi 20 juillet par les députés de la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Sarah El Haïry a une nouvelle fois défendu avec verve le Service National Universel (SNU), véritable “idéal de fibre citoyenne“ pour les jeunes de 15 à 17 ans.
Grâce à ce dispositif, “pas de coupe-file comme à Disney“, et les jeunes “ne viennent pas avec ce qu'ils ont, ils viennent avec ce qu'ils sont“ estime la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du SNU, pour qui il s'agit de créer du commun afin d'unir les jeunes d'une même génération en permettant un moment de partage entre des jeunes de milieux sociaux différents, ou encore entre ruraux et urbains.
Seulement les chiffres ne montrent pas une franche réussite. Cette année, 40 000 jeunes auraient effectué un séjour de cohésion, alors que l'objectif était de 50 000.. l'an dernier. De même, et alors que de nombreuses questions de députés ont tourné autour de la mixité sociale, seuls 5,7 % des participants proviennent des quartiers prioritaires de la ville.
Pour Sarah El Haïry, il n'est désormais plus question d'objectif quantitatif, mais plutôt d'assurer un accueil qualitatif pour les jeunes volontaires. Pourtant, “le SNU a été presque victime de son succès“, poursuit-elle, avec plus de jeunes volontaires que de places ouvertes, 10 000 sur liste d'attente et une réflexion sur l'ouverture d'un séjour de cohésion d'ici la fin de l'année pour ceux qui ont 17 ans. Ce qui pose la question, comme le soulignait récemment un rapport sénatorial (voir ToutEduc ici), de la capacité d'accueil d'une classe d'âge dans les centres d'hébergement si la mesure était généralisée. La Secrétaire d'Etat indique à ce titre que 127 sites ont été utilisés lors des séjours de cohésion ce mois de juillet 2023, et elle évoque la possibilité de mettre en place des sites permanents (une montée en nombre destinée aux “classes engagées“), dont 40 auraient déjà été proposés par les acteurs de l'éducation populaire.
15 000 personnels d'encadrement ont par ailleurs été recrutés depuis l'arrivée du SNU en 2019. Ce sont pour un tiers chacun des personnels de l'Education nationale (CPE, infirmières, enseignants avec un contrat ponctuel), des personnels associatifs ou de l'éducation populaires ou encore des personnes qui viennent des corps en uniforme. Est précisé que les hommes et les femmes qui intègrent ce projet sont majeurs, diplômés et contrôlés (honorabilité, B2, BAFA, BAFD). Ils sont formés “à une pédagogie active“ ni trop laxiste ni trop contraignante et intègrent une “culture commune“. Pour les fidéliser, certains emplois seront pérennisés, il y aurait donc moins de recrutés “séjour par séjour“.
Avec au total seulement 80 000 jeunes qui ont participé au SNU depuis son lancement, le SNU reste donc “un défi“ dont la réponse n'est pas “unique“, et qui n'oppose pas les différents engagements. Il s'agirait d'aider davantage ceux qui d'une part ne s'engagent pas (par autocensure, par manque de capital social ou d'offre territoriale) et d'autre part “des jeunes qui aujourd'hui ne se sentent peut-être pas concernés, et pour ça nous avons besoin de l'Education nationale“, indique la Secrétaire d'Etat. Elle voudrait par exemple “plus engager les parents par des réunions dans les établissements scolaires“ afin de créer de la confiance.
En outre, l'évolution récente du dispositif (voir Touteduc ici) prévoit que dès l'an prochain le SNU permette à des classes volontaires d'effectuer un séjour de cohésion (début en mars). Les séjours de ces “classes engagées“ se feront selon les mêmes modalités que durant les voyages scolaires et les parents pourront s'opposer au séjour de leur enfant. Une dotation sera prévue, un thème pourra y être développé (la mémoire, l'environnement, sport et JO, l'aide aux populations face aux catastrophes naturelles). Toute la classe pourra partir, quelle que soit la nationalité des élèves.
Pour rendre plus incitatif le SNU, sont évoqués le permis de conduire, le passage des BAFA, PSC1 et 2 (formation premiers secours), et une reconnaissance dans le parcours scolaire. La mention dans Parcoursup ne constitue pas pour Sarah El Haïry une rupture d'égalité car une case engagement existe déjà et “il n'y a pas de raison que ça compte pour du beurre“.
La “mission“ de la Secrétaire d'Etat est de “poser les bases d'une généralisation plus forte“, en construisant “l'acceptabilité la plus forte, le défi logistique, les centres permanents, la capacité à accueillir humainement“, dit-elle, tandis qu'une obligation éventuelle devra reposer sur les parlementaires et le passage par la loi.
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