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Supprimer les classes bilangues et européennes a-t-il permis de réduire la ségrégation sociale ?

Paru dans Scolaire le mardi 12 septembre 2023.

Faut-il, pour favoriser la mixité sociale à l'école, supprimer les classes bilangues et européennes, comme ce fut le cas en 2016 lors de la réforme du collège, ou implanter ces sections dans des établissements défavorisés, comme le préconisait l'ancien ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye ?

Une réponse que le chercheur Youssef Souidi (CNRS, U. Paris Dauphine) entrevoit à travers les conséquences de la réforme du collège de 2016 sur les enseignements des “options attractives“. Il explique qu'en France, à la rentrée 2015 les collèges se caractérisent par des classes “à la composition sociale plutôt déséquilibrée“, à savoir qu'ils seraient marqués par un “surplus de ségrégation“ atteignant en moyenne 29 % au niveau des classes de sixième. Ainsi dans un établissement avec deux classes de sixième, une des deux classes était composée de 23 % d’élèves socialement favorisés, et l’autre de 44 %.

Surplus de ségrégation

C'est dans ce contexte que la réforme du collège de 2016 a supprimé les classes bilangues et européennes, notamment justifié par le fait que “la volonté de suivre un dispositif bilangue pouvait servir de justification à une demande de dérogation à la carte scolaire.“ Or, poursuit-il, les élèves inscrits dans de tels dispositifs étaient le plus souvent issus de milieux sociaux favorisés.“ Selon les calculs de Youssef Souidi, 17 % des élèves de sixième étaient inscrits en section bilangue, tandis que 11 % des élèves de quatrième étaient inscrits dans une section européenne.

Si en 2015, “le surplus de ségrégation s’élevait à 34 % dans les collèges qui proposaient les sections bilangues et 14 % dans les collèges n’en proposant pas“, à la rentrée 2016, cet écart “s’est totalement résorbé“. En effet, parmi les collèges qui ont perdu leur section bilangue en 2016, la réforme a conduit à une baisse de 53 % du surplus de ségrégation intra-établissement, ce dernier étant réduit de 18 points de pourcentage. De même, “la tendance à constituer des classes socialement homogènes apparaît également plus forte parmi les établissements qui proposaient des sections européennes tout au long de la période précédant la réforme“, tandis qu'après celle-ci, le surplus de ségrégation y a diminué de 17 points de pourcentage, soit une réduction de 33 % relativement à son niveau de 2015.

Ségrégation “active“

La suppression des sections bilangues et européennes a donc bien contribué à faire reculer en moyenne la ségrégation intra-établissement, mais cet effet “cache de fortes disparités“, peut-on encore lire, car “près de la moitié des collèges qui proposaient une section bilangue ou européenne avaient plutôt tendance à constituer des classes plus mixtes socialement que ce que le hasard aurait produit“. Ainsi dans ces établissements, la suppression de ces dispositifs a eu des effets relativement limités sur la ségrégation intra-établissement.

Elle a cependant permis de “réduire la prévalence des niveaux très élevés de ségrégation entre classes“. Ainsi parmi les collèges qui ont perdu leur section bilangue, la part de ceux pratiquant une politique de ségrégation “active“ a diminué de trois points de pourcentage du fait de la réforme, passant de 14 % à 11 % entre les rentrées 2015 et 2016. De même pour les 19 % de collèges avec des sections européennes, avec une réduction de quatre points de pourcentage.

Au final, Youssef Souidi considère que pour de nombreux principaux, les décisions d’affectation des élèves aux différentes classes “reposent peu sur les choix d’options“. Il s'agirait dès lors davantage de “répartir les élèves qui suivent ces options entre différentes classes, plutôt que de les regrouper ensemble, et de mettre en place des outils qui permettent d’alerter les principaux en cas de déséquilibres trop marqués dans la composition sociale des classes, de manière à les inciter à répartir différemment les élèves.“

La note n°94 de l'IPP ici

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